Mon intervention sur les conclusions de la Commission Mixte Paritaire

Publié le par David

Monsieur le Président, Madame la Ministre, mes cher(e)s collègues,

 

Encore une fois, je ne peux que m'exclamer « Tout ça pour ça ! ».


Nous, Sénateurs de la République, qui sommes parlementaires, au même titre que nos collègues députés, et qui avons vu déjà notre droit à légiférer, ignoré, piétiné par le Gouvernement lorsque celui-ci obligea le conseil d'administration de France Télévisions, à la mi-décembre, à appliquer l'une des principales dispositions de la réforme de l'audiovisuel public avant même que notre assemblée ait pu commencer à en débattre, sommes à nouveau humiliés par le travail de sape méticuleux de la majorité de droite à la CMP de tout ce que notre débat ici avait pu apporter, en termes d'amélioration, pour défendre l'indépendance, la liberté et le pluralisme du service public de l'audiovisuel.

 

Alors, mes cher(e)s collègues, le seul enjeu de ce débat aujourd'hui est de savoir si le Sénat va encore accepter de se faire hara-kiri !


Ou plus positivement, est-ce que quelques consciences libres, au-delà des bancs de l'opposition, vont voter guidés par leurs seules convictions exprimées ici pendant nos débats sur cette loi, ou vont-ils succomber aux pressions du pouvoir et au bal des menaces de coup de bâtons ou de promesses de carottes qui n'a pas cessé depuis plusieurs semaines.

 

Des fois, en politique, il s'agit seulement et simplement d'une affaire de respect de soi-même et de dignité.

 

Personnellement je ne me résoudrai jamais au cynisme politicien qui fait tant de ravages auprès de nos concitoyens, et j'ai voulu croire ceux qui disaient que jamais ils n'accepteraient que l'on revienne, par exemple, sur l'encadrement du droit de révocation du Président de la République.

Alors tout à l'heure, à vous de décider, à nous de décider, le Sénat peut encore relever la tête !

 

Et, ne voyez là nul effet oratoire de ma part, mais l'expression de l'inquiétude véritable des sénateurs de l'opposition à constater que la majorité sénatoriale n'a pas osé s'opposer à un projet de loi dont beaucoup de ses membres ne partage pas, mezza voce, l'orientation et dont la quasi-totalité rejette les modalités de la délibération.

 

A l'heure où notre président, Gérard Larcher, dit vouloir « relégitimer » le rôle et la place de la chambre haute dans nos institutions, notre assemblée devrait d'autant plus affirmer, aujourd'hui et dans l'unanimité, son désaccord avec ces pratiques que la Commission mixte paritaire (CMP) qui s'est réunie la semaine dernière, sous la présidence du désormais célèbre mangeur de chapeau Jean-François Copé, n'a travaillé que pour détricoter l'ouvrage patiemment élaboré par le Sénat durant les quinze premiers jours de janvier.

Quel gâchis !

 

En effet, toutes celles et tous ceux qui ont participé aux dizaines d'heures de débat pendant lesquelles notre assemblée a publiquement discuté du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision pourront témoigner que les échanges ont été guidés par la recherche de l'intérêt général.

 

Les mêmes auront pu constater que ce souci paraissait malheureusement faiblement partagé sur le banc du Gouvernement, où la ministre de la culture et de la communication et son homologue chargé de l'outre-mer sont restés campés sur la seule position dictée par le palais de l'Elysée...

 

Dans ce contexte, malgré leur opposition déterminée à la réforme voulue par le président de la République visant à organiser la double mise sous tutelle - politique et économique - de notre radio et de notre télévision de service public, les sénateurs socialistes et écologistes ont cherché à contribuer à l'intelligence du débat sur l'avenir du secteur audiovisuel dans notre pays sans jamais faire d'obstruction.

 

C'est ainsi que nous avons déposé près de 150 amendements ou sous-amendements à seules fins d'améliorer le texte qui nous était soumis en cohérence avec nos convictions, fortes et depuis longtemps affirmées en faveur de l'indépendance, du pluralisme et de la liberté des médias.

 

Je crois qu'en cela, nous nous sommes inscrits dans l'esprit de travail revendiqué alors par le président et les deux rapporteurs de notre commission des affaires culturelles.

 

Cet esprit, sans effacer les contradictions, a permis d'apporter, de notre point de vue, d'insuffisantes mais réelles améliorations au projet de loi.

 

Ainsi, à l'initiative de notre groupe et avec le soutien de notre commission des affaires culturelles, notre assemblée a approuvé, toujours contre l'avis du Gouvernement, certains de nos amendements.

 

L'un d'entre eux reconnaissait l'existence de rédactions propres aux chaînes publiques et imposait que ces rédactions fussent dirigées par des journalistes : cette disposition légale aurait permis de garantir que France 2 et France 3 conservent, chacune, une équipe rédactionnelle distincte, avec des moyens particuliers et un encadrement assuré par des professionnels, c'est-à-dire que chacune d'entre elles puisse continuer à proposer à nos concitoyens des journaux télévisés et des émissions d'information de qualité avec une ligne éditoriale spécifique.

 

Cet amendement, voté à la quasi unanimité du Sénat contre l'avis du Gouvernement, a été supprimé du texte qui nous est soumis aujourd'hui par la CMP, à l'initiative des députés de la majorité, au nom de la liberté de la direction de France Télévisions d'organiser les services de l'entreprise unique comme elle l'entend.

 

Autrement dit, la question de la qualité et de la diversité de l'information diffusée par la télévision publique, l'avenir d'une émission comme Envoyé spécial ou d'un journal télévisé comme le 19/20, programmes plébiscités par les téléspectateurs, ont été réglés dans le secret d'une réunion de CMP avec le seul souci de l'autonomie de gestion de dirigeants qui devront prendre leurs ordres directement à l'Elysée !

 

Un autre de nos amendements investissait la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France de la mission de coopérer avec Réseau France Outremer (RFO).

 

A l'heure où le Gouvernement et la majorité appellent de leurs vœux une optimisation de l'usage des moyens dévolus à la radio et à la télévision publiques, cette obligation pour les équipes de France 24, RFI et TV5 Monde de travailler de manière plus étroite avec celles des antennes de RFO paraît d'autant plus logique que les implantations complémentaires de toutes ces chaînes constituent un réseau unique au monde.

 

Là encore, les députés de l'UMP se sont retranchés derrière des principes de gestion pour soustraire du texte une disposition adoptée par le Sénat. Quand on connaît le mode de gouvernance de l'équipe dirigeante de notre audiovisuel extérieur, fondé sur un management arbitraire et une politique de réduction des coûts à l'aveugle, on a du mal à comprendre que la majorité accepte de laisser cette direction tout à fait libre de ces mouvements.

 

En tout état de cause, les salariés de RFI victimes de la restructuration déjà en marche de leur entreprise comme les auditeurs des émissions de la station diffusées en allemand ou en russe, qui vont disparaître des ondes, n'oublieront pas de sitôt que ce projet de loi aura acté le démantèlement du service public de l'audiovisuel extérieur.

 

Nous avions aussi obtenu de la sagesse de notre assemblée, et une nouvelle fois en contradiction avec la position du Gouvernement, que la loi ne planifie pas la suppression de la publicité sur les antennes de RFO, comme le projet de loi initial le prévoyait d'ailleurs.

 

En effet, et le CSA ainsi que la commission « Copé » en sont convenus à la suite de tous les acteurs du secteur audiovisuel établis dans les collectivités ultramarines, le marché considéré de la publicité, ou plutôt les marchés propres à chaque territoire concerné sont de tailles très modestes et connaîtraient donc, si la publicité disparaissait des antennes du service public, un déséquilibre radical et soudain entre l'offre et la demande. Ainsi, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques en Métropole fait passer la part de marché des chaînes pouvant en diffuser de 95% à 65,3%. La suppression de la publicité sur la chaîne publique à La Réunion ferait descendre cette part de marché de 60% à ... 31% ! On atteindrait même 15% en Martinique et 5% en Guadeloupe. De plus, les plages de publicité télévisée, en particulier celles programmées par le service public, permettent à des annonceurs locaux de toucher toute la population d'un territoire. Enfin, et surtout, RFO, qui constitue la source principale d'information de nos concitoyens ultramarins, doit pouvoir continuer à compter sur une ressource annuelle de 18,6 millions d'euros, dont la collecte emploie par ailleurs 65 personnes.

 

Alors que l'UMP nous a habitué à vanter les avantages de la concurrence libre et non faussée, qu'a donc cherché la CMP en revenant sur le sujet à la rédaction du texte issue de l'Assemblée nationale ? A qui cela profite, sinon à un ou deux groupes privés de médias qui pourront ainsi, sur certains marchés, se retrouver en situation de monopole ?

 

Finalement, la suppression de ces trois amendements ne fait que marquer le mépris du parti majoritaire pour l'opposition - épisode qui ne fait d'ailleurs que préluder à la « caporalisation » des parlementaires qu'annonce la réforme de la procédure législative en cours. Mais, surtout, le travail de sape de la CMP manifeste un réel dédain pour le Sénat en tant qu'institution puisque en ont aussi été l'objet certains amendements de nos rapporteurs.

 

Ainsi, de la disposition prévoyant un meilleur encadrement du parrainage des programmes et de celle instaurant une consultation obligatoire du CSA sur tous les projets de lois ou de règlements relatifs à la communication audiovisuelle.

 

 

Pourquoi la CMP s'est-elle donc transformée en laminoir pour les travaux du Sénat ?

 

Censée dégager un accord entre députés et sénateurs sur un texte que les deux chambres ont dû examiner en urgence, en contradiction flagrante avec l'objectif de revalorisation du rôle du Parlement qu'est censée poursuivre la révision constitutionnelle de l'été 2008, la commission mixte poursuivait, en réalité, deux buts :

  • - Le premier: sauver la face d'un haut responsable de l'UMP - toujours le même! -, qui avait certes pêché par vanité, celle de se croire la capacité d'interdire toute augmentation du taux de la redevance en mettant son propre avenir politique en jeu;
  • - Le second: empêcher tout encadrement substantiel du pouvoir conféré par le projet au président de la République de nommer et de révoquer les dirigeants de France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur.

 

Autrement dit, et comme l'a d'ailleurs prouvé le conciliabule tenu entre responsables de la majorité dans le bureau du Premier ministre la veille de la réunion de la CMP, qui en dit long sur l'indépendance du législatif par rapport à l'exécutif, il s'agissait bel et bien de faire rentrer le Sénat dans le rang pour sauver le soldat Copé et entériner le fait du Prince.

 

Si « bien gouverner », c'est « gouverner par l'exemple », alors l'épisode que l'on vient de rappeler trouvera toute sa place dans les manuels de science politique à la page des ... contre-exemples.

 

C'est malheureusement par cette mascarade de démocratie que risque de se clore un débat ubuesque né d'une annonce intempestive mais tellement calculée du président de la République, si le Sénat, aujourd'hui, ne s'oppose pas aux conclusions de la CMP.

 

La Haute Assemblée peut-elle ainsi laisser bafouer ses prérogatives en prenant le risque de voir, finalement, sa fonction même dans notre régime constitutionnel remise en cause ?

 

En tout état de cause, ce vote, quelle qu'en soit son issue, ouvrira une seconde phase du débat, dont le prolongement immédiat investira le terrain juridique mais qui aura aussi une résonance bien plus longue dans l'espace public.

 

Car la réforme qui risque d'être adoptée, aujourd'hui, par le Parlement est tellement aberrante qu'elle en est tout à fait indigne d'une grande démocratie. Aberrante en ce qu'elle vise, sous couvert de libérer la télévision publique de la tyrannie de l'audimat, à prolonger la rente de situation dont bénéficiait la chaîne dominante du Paysage audiovisuel français (PAF) détenue, depuis sa privatisation, par un groupe privé tirant une partie significative de ses revenus de la commande publique et dont le principal dirigeant affiche une proximité non dissimulée avec le chef de l'Etat.

 

 

Depuis quelques jours, on nous explique que les opposants au projet se sont lourdement trompés en dénonçant les « cadeaux » faits par le Gouvernement aux éditeurs privés des deux principales chaînes de télévision hertzienne.

 

Madame la Ministre, je maintiens que ce projet de loi, en supprimant avec tant de précipitation la publicité des antennes de notre télévision publique, organise un transfert de richesse sans précédent du service public vers quelques acteurs du secteur privé sans contrepartie et qu'en cela, il s'apparente à du favoritisme pur et simple.

 

Qui plus est, ce transfert, évalué à environ la moitié des 250 millions d'euros de recettes publicitaires laissés sur le marché par la régie de France Télévisions, est renforcé par le passage de « l'heure glissante » à « l'heure d'horloge » pour le calcul de la diffusion des écrans publicitaires et par la possibilité d'insérer une deuxième coupure lors de la diffusion d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles.

 

Et j'affirme aussi que la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions constitue un soutien de l'Etat qui ne dit pas son nom à un opérateur économique l'ayant demandé pour faire face à une conjoncture difficile alors qu'il n'a pas su adapter son modèle économique à la « révolution numérique ».

 

Je rappellerai seulement ici, à l'appui de mon propos, que le groupe TF1 - puisqu'il s'agit de lui - conserve une part du marché de la publicité télévisée supérieure à 50% et qu'il a, de ce fait, été récemment condamné par les autorités de la concurrence à une amende de 250 000 euros pour abus de position dominante en violant son engagement de ne pas interférer dans la gestion de la régie publicitaire de la principale chaîne de la TNT dont il est actionnaire (TMC).

 

On savait que le président de la République avait tendance à préférer les « forts » aux « faibles », les « dominants » aux « dominés » - cette réforme en constitue une nouvelle preuve, qui s'inscrit parfaitement dans la volonté de « libéraliser » les dispositifs anti-concentration existant aujourd'hui dans les secteurs de l'information.

 

Maltraitant les principes du droit de la concurrence, cette réforme est avant tout une aberration démocratique qui viole notre droit constitutionnel.

 

Elle le viole certainement en créant une nouvelle taxe - pesant sur le chiffre d'affaires des opérateurs de communications électroniques -, dont l'application instaurerait une inégalité évidente entre acteurs économiques devant les charges publiques.

 

Elle le viole encore plus évidemment depuis l'adoption par le Sénat puis sa validation par le Congrès, d'un amendement, que j'avais défendu au nom du groupe socialiste, au projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la 5e République modifiant l'article 34 de notre Loi fondamentale, qui oblige désormais le Législateur à « fixer les règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ».

 

Or, soumettre notre télévision publique à la tutelle financière de l'Etat en substituant à des recettes propres assurant une part significative de ses ressources de fonctionnement une dotation budgétaire annuelle constitue une entrave substantielle à l'autonomie de sa gestion et, donc, à son indépendance.

 

Cette entrave, le Conseil constitutionnel devra donc la sanctionner sur le terrain des nouvelles dispositions de l'article 34.

 

Mais c'est le nouveau régime de nomination et de révocation des dirigeants de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur qui viole le plus manifestement notre Constitution.

 

C'est sur ce terrain que le texte qui nous est soumis aujourd'hui engage le recul le plus flagrant, en transformant France Télévisions et Radio France en télévision et en radio d'Etat, dont la direction des programmes sera assumée par le président de la République lui-même et la direction financière par le ministre du budget.

 

Cette régression sans précédent dans l'histoire de notre service public audiovisuel entretiendra un climat pernicieux à tous les niveaux de responsabilité des entreprises concernées.

 

En adoptant ce projet de loi, c'est-à-dire le dispositif des articles 8 et 9 arrêté par la CMP, nous créons le risque de voir la peur de déplaire et l'autocensure devenir non plus l'exception, mais le principe même du fonctionnement des rédactions, des unités de programmes, des chaînes publiques toutes entières.

 

Le Sénat souhaite-t-il vraiment assumer cette responsabilité alors que c'est sur ce sujet qu'il a subi, lors de la CMP réunie le 28 janvier dernier, sa plus grave humiliation ?

 

Gardienne sourcilleuse des principes républicains et des libertés publiques, notre assemblée n'avait pas accepté que toute latitude - ou presque - fût abandonnée au chef de l'Etat pour nommer et révoquer les dirigeants de notre radio et de notre télévision de service public.

 

C'est pourquoi notre commission, avec l'approbation de l'opposition, avait encadré le droit de révocation du président de la République, ce que les députés de l'UMP balayèrent, en CMP, à l'aide d'arguments juridiques bien pauvres au regard de l'enjeu, masquant mal qu'ils agissaient en service commandé de l'Elysée.

 

Si le texte est voté en l'état, à peine nommé par le chef de l'Etat, les dirigeants des chaînes publiques de radio et de télévision ne pourront faire le moindre mouvement sans voir peser, au-dessus de leur tête, l'épée de Damoclès de la révocation ad nutum.

 

Il est vrai que le président de la République ne semble pas souffrir la critique, surtout quand elle vient d'acteurs de la société civile, comme les journalistes, sur lesquels il n'a a priori pas de moyens de pression.

 

Il ferait cependant bien de méditer ce que Beaumarchais faisait dire à son Figaro, dans La Folle Journée :

« Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur; [...] il n'y a que les petits hommes, qui redoutent les petits écrits. »

 

En tout état de cause, si ce texte est voté en l'état, il ne restera plus au Conseil constitutionnel qu'à le censurer, en donnant ainsi raison aux arguments des parlementaires de l'opposition mais, surtout, en répondant à l'appel de nombre de nos concitoyens qui partagent les craintes exprimées par les acteurs du secteur des médias ayant signé l'Appel pour la défense de la liberté de la presse et de l'information.

 

  • - Promouvoir le respect du droit moral des journalistes,
  • - refuser le mélange des intérêts industriels et médiatiques,
  • - préserver l'intégrité du service public de l'audiovisuel,
  • - permettre l'accès à toutes les sources documentaires,
  • - protéger les sources des journalistes,
  • - limiter les concentrations et défendre le pluralisme;

telles sont les ambitions, modestes mais essentielles dans une démocratie, des signataires de cet appel, que nous avons essayées de relayer, comme parfois nos rapporteurs, au travers de nos amendements, tous, pour la plupart, balayés par la CMP.

 

Mers chers collègues, comme vous le savez, la colère gronde dans notre pays. La désespérance des ouvriers licenciés, le désarroi des salariés n'arrivant plus à boucler les fins de mois alors que l'Etat garantit des milliards d'euros de dettes aux établissements financiers agrandissent, chaque jour un peu plus, le fossé qui sépare nos concitoyens de leurs gouvernants.

 

Mais quelles sont donc les préoccupations du président de la République dans ce moment particulier, alors que son refus d'entendre les attentes sociales du pays se double de la vacuité des réponses du Gouvernement à la crise économique ?

 

Pour masquer son impuissance, le président a trouvé un terrain sur lequel il pouvait continuer à montrer sa capacité à agir : pauvres libertés publiques, objet de toutes les attentions de Nicolas Sarkozy, sujet de toutes ses foudres !

 

Des juges d'instruction, dont on signe la condamnation un an jour pour jour après avoir annoncé d'autorité la remise en cause du modèle économique du service public de l'audiovisuel, jusqu'au préfet et au directeur de la sécurité publique de la Manche, congédiés d'un trait de plume pour avoir contrarié le Prince, le chef de l'Etat a choisi de museler tous ceux qui pourraient l'empêcher non seulement d'user, mais surtout d'abuser du pouvoir.

 

 

Car c'est bien à l'abus de pouvoir érigé en méthode de gouvernement que sont aujourd'hui confrontés la société civile, les syndicats, la presse, les magistrats, les parlementaires...

 

Mes cher(e)s collègues, nous enverrions ainsi au président de la République un message très fort, faisant écho à l'un de nos illustres prédécesseurs de la Chambre des pairs, Chateaubriand, quand il déclarait :

« Plus vous prétendez comprimer la presse, plus l'explosion sera forte. Il faut donc vous résoudre à vivre avec elle. »

 

Mais le Sénat, dans quelques instants, peut envoyer ce message, en s'opposant, dans quelques minutes, à l'adoption de ce projet de loi.


David Assouline 

Publié dans Politique

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